Gestion de la pandémie Covid-19, traumatisme, et syndrome de l’angle mort.

Angle mort - rétro

Dans ma pratique psychothérapeutique, je suis régulièrement confronté aux traumatismes et au syndrome de l’angle mort. Ce qui se passe depuis maintenant une dizaine de mois en Europe me semble fort lié à ces concepts. Voyons ça de plus près.

Pour la gestion de la pandémie par les différents gouvernements (je me restreindrai à celle effectuée par les gouvernements belge et français), je vous renvoie à cet article en cinq chapitres que j’ai écrit fin octobre, et dont vous trouverez le lien pour le premier chapitre ICI. Je pense qu’une majorité de personnes seront d’accord pour dire qu’elles furent incohérentes, liberticides et antidémocratiques pour la plupart, où tout se disait et son contraire à grands renforts d’affirmations d’experts, ce qui a eu pour résultat de détricoter complètement la confiance du citoyen envers les institutions comme l’Etat (donc les politiciens et les administrations), les Médias, les firmes pharmaceutiques (et donc les lobbies), les experts, la police.

Traumatisme : comment le reconnaître.

L’événement traumatique se reconnaît par la présence de quatre paramètres, vécus par la personne victime du traumatisme.
En un, l’événement doit avoir lieu par surprise, de manière soudaine et imprévue.
En deux, la situation doit représenter une menace réelle, potentielle ou imaginée, pour la personne (ou pour un tiers si l’on est témoin) mettant gravement en danger son intégrité.
En trois, la personne n’a pas le contrôle de ce qui lui arrive.
En quatre, elle se croit complètement impuissante en plus d’un vécu émotionnel intense et désagréable.

Qu’est-ce que le syndrome de l’angle mort ?

Cette notion est empruntée à la conduite automobile (vous vous en doutiez). Allons plus loin dans cette métaphore.
L’angle mort concerne cet angle de vue qui n’est pas couvert par les rétroviseurs, alors que nous conduisons notre véhicule. Lorsque nous apprenons à conduire, on insiste bien sur la nécessité de “combler l’angle mort”. Cela consiste, juste avant une manœuvre (dépassement, s’engager dans un carrefour, déboiter, etc.), de tourner la tête sur la gauche (en général) pour jeter un coup d’œil furtif sur ce qui se passe à hauteur de nos portières. On comprendra aisément l’utilité et la nécessité de ce geste. A défaut, à ne JAMAIS regarder son angle mort, on risque l’accident à plus ou moins brève échéance. En revanche, à TOUT LE TEMPS regarder son angle mort, l’accident est tout aussi prévisible, puisque l’on ne regarde plus assez où va le véhicule.
Sortons de la métaphore, et adaptons ce concept à l’humain.
Utiliser son véhicule, c’est mener sa vie. L’angle mort représente donc des événements qui pourraient nous arriver, mais dont le risque est suffisamment faible pour ne s’en préoccuper qu’à l’occasion de grands changements dans nos vies. Ainsi, chacun sait que nous pouvons mourir d’un instant à l’autre. Heureusement pour nous, cela ne nous empêche pas de faire des projets comme acheter une maison, fonder une famille, etc. Ce risque de mourir est dans notre angle mort. Quand nous envisageons une manœuvre un peu périlleuse ou dont l’enjeu est important, alors on y regarde à deux fois, se posant des questions qu’on ne se serait pas posé par ailleurs. Ainsi en est-il d’interrogations comme “Si nous achetons cette maison à deux, que fait-on si l’un des deux décède, perd son travail, si nous divorçons, etc.” Gageons qu’on ne se pose pas ce genre de questions pour faire ses courses…

Quand se fait-il sentir ?

Quand nous vivons un traumatisme, d’un seul coup ce qui n’était jusqu’alors qu’une possibilité à faible risque devient brutalement et douloureusement une réalité. Le risque de la mort, de blessures graves est là, et bien là. D’un seul coup, ce danger jusque là rangé dans cet angle mort s’invite en plein milieu du pare-brise ! Et il va y rester un certain temps, avant que le cerveau ne le remette à sa place : une possibilité parmi d’autres, mais dont le pourcentage de risque est faible. Ainsi, si nous sortons vivant d’un accident de la route, les fois suivantes que nous passerons à l’endroit du drame, que ferons-nous ? Nous ralentirons ! Notre cerveau est encore trop avec l’image de l’accident, image qui peut quasi se présenter devant nos yeux. Du coup, nous redoublons d’attention, nous prenons nettement plus de précautions qu’il n’est nécessaire. Nous réagissons en ralentissant parce qu’ainsi, on a l’impression de reprendre du contrôle sur la situation, en se donnant les moyens de repérer suffisamment tôt ce qui nous a tellement pris par surprise. Nous le faisons aussi parce que nous sommes braqués sur notre angle mort, nous empêchant de nous concentrer sur notre route. Certains traumatismes sont si forts qu’il suffit de quelques éléments communs dans une nouvelle situation pour que les risques jusque là sagement rangés dans l’angle mort resurgissent devant nous, et nous font réagir comme si, à nouveau, la situation traumatique se représentait. C’est ce que l’on appelle le syndrome post traumatique.

Quel rapport avec la gestion de la pandémie ?

Je pense que ce que nous vivons actuellement touche à ces deux notions qui, du coup, s’articulent entre elles et nous amène à vivre de manière plus “épidermique” une situation déjà trop anxiogène. Je m’explique.
La situation que nous vivons, tant la pandémie que les mesures prises par les gouvernements, nous prend par surprise. Personne ne s’attendait à ça. La situation nous est vendue comme présentant un danger réel, potentiel ou imaginé vis-à-vis de plusieurs de nos intégrités. On pense à notre vie, évidemment, mais les mesures prises touchent également à nos libertés, à nos valeurs. Nous n’avons aucun contrôle sur ce qui se passe, ni les citoyens, ni nos dirigeants, ni les experts. De ce fait, les discours retransmis dans les médias, les mesures de distanciations sociales qui sont prises, les délations, les faillites, les dérapages des forces de police instaurent un sentiment permanent de craintes et d’impuissance, avec une vision de l’avenir complètement floue où le pire nous est prédit en termes de récession pour “payer” toutes ces mesures. C’est un fait : la population est complètement traumatisée.
Et du coup, le risque de mourir sort de l’angle mort et s’affiche devant nos yeux. Alors que nous avons vu dans un autre article où je cite des sources (ICI) que le taux de mortalité mondiale du Covid-19 est assez peu élevé, que le risque de décès touche surtout les plus de 80 ans, voilà que nous focalisons notre attention sur CE risque-LA. Je devrais plutôt dire qu’ON nous amène à focaliser notre attention, pleine et entière, sur ces malheureux 3% de mortalité (pour info ou rappel, le taux mondial de mortalité pour les pathologies cardiaques est de 13% et de 12% pour les AVC).

Quelle(s) conséquence(s) ?

Et que fait l’humain, quand il n’arrête pas de regarder son angle mort ? Il ra-len-tit. Je constate dans les partages que l’on me fait que les gens font de moins en moins souvent l’amour, qu’ils prennent de moins en moins d’initiatives, font de moins en moins de projets, prennent de moins en moins de risques. J’ai même entendu un couple suspendre son projet d’enfant. Et nous fonctionnons comme si, suite à un accident de la route, et alors que nous sommes amenés à repasser plusieurs fois sur les lieux, une personne assise à côté de nous n’arrêterait pas de nous dire : attention ! Ici, il y a eu un mort. Et tu sais, là-bas, il y en a eu un aussi… passant sous silence que les accidents de la route représentent 2% de la mortalité mondiale. On comprendra qu’à l’évidence, il faudra beaucoup de temps au cerveau pour remettre le risque de l’accident à sa juste place : dans l’angle mort. Malheureusement, pendant ce temps, la tension monte à l’intérieur de l’humain. Comment la libérer, comment l’évacuer ?

Que faire ?

Ce que l’on dirait à une personne qui s’est sortie vivante d’un accident : reste prudente, certes, mais normalement. Et vis !!! Continue à conduire si tu en as besoin ! Amuse-toi, fais l’amour, prends soin de tes besoins, garde ton esprit critique, écoute beaucoup moins les infos et un peu plus tes proches ou tes voisins, juge avec prudence, reçois les informations avec circonspection. Ne laisse pas les peurs commander ta vie, et prends des mesures pour contrer les personnes qui veulent utiliser ce sentiment pour contrôler TA vie. Ah, je sais… Ça fait un peu Maître à penser de dire tout ça. Mais finalement, c’est ce que nous dirions à une personne qui ne voudrait plus prendre sa voiture de peur d’avoir un nouvel accident, ou d’une autre qui ne voudrait plus prendre l’avion de peur d’un crash aérien (dont le risque est évalué à… 0.0000054%).(1)

Bref, ne nous laissons pas endormir, et réagissons. Et, à mon avis, nous ne pourrons sortir de cette crise par le haut qu’en changeant l’ordre de nos priorités, en changeant carrément de paradigme quant à comment vivre les uns avec les autres.

Je vous souhaite le meilleur.

angle-mort Fleur béton

(1)….GEORGES P.  « Vos (mal)chances de mourir lors d’un crash d’avion sont de 0.0000054% ».  TOURMAG.  [en ligne]  2020  [consulté le 30-12-2020] Disponible à partir de l’URL : https://www.tourmag.com/Vos-mal-chances-de-mourir-lors-d-un-crash-d-avion-sont-de-00000054-_a101671.html

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  1. […] que les 97% restant. C’est ce que j’appelle le syndrome de l’angle mort (voir l’article ICI). Sur une population mondiale de 7,637 milliards d’individus(2), le décès de ces 1,7 millions […]

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